lundi 31 décembre 2018

5 Hermanos, Barcelone


Il y a de fortes chances qu’aucuns ou alors très peu de touristes soient allés manger chez les « 5 Hermanos » qui ne se trouve évidemment pas dans le centre de la ville. Qualifiée de « table de quartier », cet établissement ne se trouve probablement dans aucun guide, ne fanfaronne pas sur les réseaux sociaux et probablement ne cherche pas vraiment à être connue par la foule. Cependant il faut savoir qu’au mois de mai 2018, cet établissement a été récompensé par le « Primeros Premis Barcelona Restauracio », au même titre que les plus médiatisés « Mala Hierba » et « Bendita Helena ».  Il s’agit de la première édition de ces prix avec laquelle la mairie cherche à valoriser et à faire connaître les bars et restaurants de quartier qui se distinguent par leur travail et qui n’avaient encore jamais été récompensés.


Le conseil municipal de la ville a créé ces prix dans le but de reconnaître les restaurants de quartier afin que le prestige dont ils jouissent déjà dans leur environnement atteigne toute la ville. Les catégories récompensent la qualité gastronomique, mais aussi le rôle prépondérant dans la structuration et l'amélioration de leur environnement. Les trois catégories de cette récompense ayant étés :

• La qualité gastronomique : une gastronomie approuvée par les clients du quartier, les voisins et différentes associations.

• L’intégration dans le quartier : une identification du restaurant comme possédant les particularités de l'environnement et du quartier

• Une notoriété locale ou innovante : locale en raison du concept ou de son trajet historique. Établissement notoire aussi pour son originalité


Un des trois récompensés sur 30 restaurants candidats ne pouvaient que nous inciter à venir y faire une visite. Situé au coeur de Barcelone, dans le quartier de Canyelles, vous pourrez aisément vous y rendre en métro. Pas franchement le quartier le plus animé qu’il soit, plutôt un endroit résidentiel avec des immeubles et au rez de l’un d’entre eux, un bar des plus simple. 


Un local qui fonctionne comme un bar, un restaurant et qui de plus se trouve être le siège social du club de football de Canyelles. Comme son nom l'indique, cette table est dirigée par plusieurs frères Gerpe Feliu qui, avec leurs enfants, dirigent l'entreprise familiale. Etablissement qui reste ouvert presque toute la journée, car ils servent le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner.  En cuisine, Teresa Feliu qui, en fonction de l'offre et de la demande de la clientèle, modifie les options du menu du jour. Teresa Feliu a élevé et formé les cinq enfants qui ont tous suivi ses pas.  Les cinq frères, Javi, Toni, Julio, Manel et Jordi ont volontairement choisi le restaurant et au fil du temps, les tâches ont été partagées : trois étant responsables de la cuisine et deux, des salles, de la comptabilité et des commandes.



Au rez-de-chaussée, un bar bien animé plus venue pour prendre un verre à cette heure et éventuellement grignoter quelques tapas.


Dans un coin, ce qui est appelé « la Rôtisserie », en réalité la cuisine mais aussi une vue sur les armoires réfrigérées avec quelques plats. Probablement aussi l’emplacement où l’on peut venir chercher des plats à l’emporter.




En vitrine, croquettes, crevettes, légumes à gratiner, pâtes.



Au premier niveau qui se trouve être une mezzanine vitrée qui surplombe le bar, une simple salle à manger sans aucune décoration particulière. Nous sommes dans un restaurant pour venir manger et cela s’arrête la. Tables dans une salle en longueur avec nappes blanches, deux des frères assurent à perfection le service, une clientèle locale et souvent familiale. 



La carte offre une large variété d’options pour tous les goûts : des petits déjeuners, des encas, des sandwiches, un menu du jour à midi, et bien entendu le dîner. Leur spécialité ce sont leurs plats de riz mythiques, une référence à la ville depuis plus de 40 ans, la viande de bœuf maturée (d'un fournisseur renommé de Madrid), du poisson et des fruits de mer qui viennent directement de La Corogne.  Le gril est également important pour les viandes, ainsi que pour les fruits de mer de Galice et le poisson du jour fourni par un marchand au marché de Canyelles. Leurs légumes sont également produits localement, à Vallès. Une fantastique sélection d'entrées et de portions, telles que salades, bravas, tapas... Ici tout est fait « maison ». Pas de noms de plats alambiqués ; le produit et à nous de s’imaginer comment cela sera cuisiné quoique l’on vous demandera votre préférence pour les poissons, fruits de mer et viandes.

Pour commencer cela sera de magnifique « Zamburina », sorte de petite Saint-Jacques ou plutôt pétoncles. Rapidement saisie à la plancha donc encore moelleuses, un peu d’huile d’olive. Le plat que l’on adorera pour la précision de la cuisson et surtout la qualité du produit.


Même observation pour les seiches à la plancha. Bien entendu on peut trouver cela dans pas mal d’endroits mais ici le produit est encore sublime, la cuisson absolument précise, le tout accompagné de pommes de terre avec un peu de paprika fumé, d’une huile aux herbes et des poivrons rouges.


Et comme plat principal, leur fameuse paella aux fruits de mer. Celle-ci arrive depuis la cuisine par un passe plat, elle reposera tout d’abord quelques instants avant d’être servie. Je dois dire que cette paella était délicieuse et probablement plus proche de ce que l’on trouve ailleurs en Espagne et plus particulièrement Valence. Très riche en fruits de mer, avec entre autres, moules, langoustines et calamars. Le riz a cuit dans un excellent fumet et se trouve encore être dans une sauce, ce qui n’est pas toujours le cas car souvent les paellas sont préparées sèches.



La crème catalane est un modèle du genre avec sa fine croute caramélisée et sa texture finement crémeuse.


Le service fût rapide et efficace dans cette salle à manger occupant l'étage supérieur, séparée du bar plus bruyant. Une cuisine rassurante, classique, parfaitement maitrisée avec de superbes produits. Un endroit idéal pour savourer un bon repas en groupe, entre amis ou en famille, dans une atmosphère détendue, confortable et agréable.





 

samedi 29 décembre 2018

Coure, Barcelone


Cela faisait un certain temps que je souhaitais venir chez « Coure » mais l’occasion ne s’était pas encore présentée ou peut-être que je n’avais probablement pas vraiment mesuré l’importance que cette table a dans le paysage gastronomique de la ville. Combien de fois ai-je entendu qu’il fallait venir dîner chez le chef Albert Ventura, principalement par celles et ceux qui y ont précédemment travaillés comme par exemple les tables de « Capet » et de « Monocrom » pour ne citer que quelques examples. Tables qui ont une approche très différente des autres établissements de Barcelone car focalisées sur des ingrédients de premier ordre, des saveurs autour de l’association judicieuse du produit, de la sophistication plus dans l’utilisation de produits qui conservent leur saveur que des artifices techniques superflus ou des ajouts d’éléments d’autres continents. Une envie donc de comprendre combien cet établissement a pu autant influencer une nouvelle génération de cuisiniers que j’apprécie et qui est l’un des plus prisés par les amateurs de bonne cuisine. A ceci, le fait que le chef ait récemment également ouvert, l’excellent « Grill Room Bar Thonet ».


Le restaurant « Coure » a ouvert ses portes en 2005 avec une offre gastronomique plutôt moderne, sur le point de recevoir une étoile au Guide Michelin en 2008. Bien que non atteinte pour des raisons qui me sont inconnues, le public ne se trompe pas, est déconcerté par le refus du guide de donner sa bénédiction au chef, néanmoins c’est le succès depuis de nombreuses années avec une base de clients fidèles.

« Coure » signifie à la fois « cuisiner » et « cuivre » en catalan, tous deux représentés dans le long bar situé tout près des portes du restaurant situé dans un lieu intime du Passatge Marimon. Avec deux espaces disponibles : le bar, à l'étage supérieur, où sont servies des demi-portions, des tapas des collations de qualité supérieure.


Au-delà, des escaliers mènent à une élégante salle à manger au sous-sol construit à partir de textures et de nuances de gris et de brun. C’est ici que sont préparés des plats plus consistants et les menus « dégustation » ; un endroit à la fois élégant et moderne, avec des touches métalliques.



La décoration du restaurant est sobre et élégante et s’accompagne d’une illumination bien réalisée et d’une décoration plutôt discrète. L'ensemble crée un environnement très pratique pour les déjeuners d'affaires et des rencontres plus intimes.




La cuisine d'Albert Ventura est fondée sur une cuisine catalane traditionnelle, d’excellents produits, avec quelques rares incursions de plats plus exotiques. Une cuisine catalane moderne qui se distingue par sa grande cohérence gustative et sa simplicité qui peu sembler évidente mais qui ne l’est pas tant que cela.

Pour une première visite, il nous sembla judicieux que d’opter pour le « menu dégustation » à 60 euros, qui comprend un échantillon de plats de la carte et permet donc de se faire une idée de la tendance culinaire professée dans ce temple de la créativité avec des propositions qui sont parfois audacieuses et avec de l’imagination. En faisant notre choix, quelques olives amenées à table.


Première assiette avec les poireaux tendres, thon mariné, tofu à la moutarde et noix macadamia. Un visuel qui tout de suite inspire par son côté épuré, par l’apparence très fraiche de la composition. Un plat avec du légume en son centre ce qui est finalement peut fréquent ici ; de jeunes et tendres poireaux complétés par ce thon à la saveur finement salée, la recomposition d’un tofu associé avec la moutarde, la noix hachée et une feuille de capucine. Plat équilibré, délicat et qui met en valeur le produit de saison et local.


Seconde assiette très colorée avec le maquereau à l’escabèche, salade de lentilles, feuilles sauvages. Recette bien classique catalane, méditerranéenne et savoureuse, avec du poisson qui a mariné dans une préparation souvent à base de vin blanc, huile, vinaigre, oignons ou échalotes ainsi que des herbes type laurier et thym. On trouvera divers morceaux de légumes, la salade de lentilles en dessous avec juste la quantité qu’il faut, les feuilles qui semblent s’apparenter a de la blette. Un plat à l’apparence familière mais sublimé.


Puis probablement ma meilleure brandade de morue à ce jour, servie avec des oignons, des pois mange-tout, un filet d’huile. Même je dirais de la rogue qui est une poche d’œuf de poissons séchée à la sauce soja, mais cela reste a confirmer. En fait l’autre nom utilisé étant la boutargue, quelque feuilles sauvages sur le dessus. D’une incroyable légèreté avec un équilibre pommes de terre et morue absolument parfait.


Un plat additionnel au menu qui nous est servi par le chef, des linguine, jaune d’œuf confit, beurre et truffe noire râpée. On éclate l’œuf puis mélange le tout comme tout traditionnel plat de ce type de pâtes italiennes. Un plat bien entendu très gourmand.


Un poisson avec du rouget, des épinards juste poêlés comme le poisson, une sauce type hollandaise mais montée avec un peu de bleu et quelques noisettes concassées.


Nous avons demandé un changement de plat avec le menu de dégustation de 35 euros car comment résister devant les ris de veau braisés, gnocchis au citron et théoriquement cresson comme indiqué sur la carte. Il faut remarquer que quelques fois les ingrédients ne sont qu’indicatifs, probablement en fonction des achats du jour. Le ris est caramélisé et excellent, le gnocchi moelleux avec ces zestes de citrons, les câpres dans un beurre un peu comme une sauce grenobloise. Les feuilles de menthe sont une belle adjonction car donnent un petit côté vivifiant en bouche.


Puis le plat central avec le pigeon, chou et salsifi. Parfaitement rôti, un fond d’une belle densité, le salsifi en dessous. Un produit de qualité cuisiné à la perfection.


En premier dessert de l’ananas rôti, yoghourt, chocolat blanc, glace au yuzu. Agréable combinaison légère et point trop douce.


Et pour terminer, la classique torrija, glace au toffee, citron sous forme de zeste.


Une belle découverte de l’ile de Majorque avec un 12 Volts 2017, des saveurs de fruits noirs et murs, une belle harmonie et équilibre. Un vin bien structuré et complexe.


Une table où vous pourrez y savourer une cuisine classique alliant quelques notes créatives et saveurs caractéristiques de la tendance culinaire de la nouvelle cuisine catalane. Une très belle adresse ou Albert Ventura, pratique une cuisine catalane moderne , très raisonnée et sans éléments superflus. Cohérent, simple et remarquable.

vendredi 28 décembre 2018

El Velódromo, Barcelone


Le « Bar Velódromo » bien entendu figure dans tous les guides touristiques et suppléments de journaux sur Barcelone, ce qui est une des raisons pour lesquelles l’on y trouve toujours autant de monde. Depuis sa réouverture en 2009, après un énorme exercice de rénovation visant à restaurer ses charmes Art Déco, c’est devenu un lieu à la mode ou l’on doit faire la queue à l’extérieur pendant les périodes de pointe.



Ouvert sur une grande partie de la journée dans un fantastique bâtiment Art Déco au sommet de la rue Carrer Muntaner, le lieu est très prisé pour les petits déjeuners par les clubbers et des buveurs endurcis qui rentrent chez eux après une nuitée ou tout simplement prendre un verre à n’importe quel moment de la journée.



L’un des bâtiments emblématiques de la ville, construit en 1909 par l'architecte catalan Manuel Joaquim Raspall, le bâtiment a donc été transformé en bar-restaurant en 1933 et est devenu un lieu de rencontre prisé des membres du gouvernement de la République pendant la guerre civile espagnole. Historiquement, le « Bar Velódromo » était connu comme un lieu de rencontre populaire pour les intellectuels. Au cours des années soixante et soixante-dix, il fut repris par la gauche divine (un mouvement d'hommes politiques et d'artistes de gauche) et devint une boîte de nuit à la mode tout au long des années quatre-vingt et quatre-vingt, avant de fermer ses portes en 2000.


L’intérieur du bâtiment rénové est magnifique, avec de beaux bois sculptés et des détails d’époque dans un espace ouvert sur deux niveaux.  De merveilleuses grandes fenêtres chromées, en bois et en marbre occupent une place importante dans la décoration intérieure sur le thème de l'art déco.


Un comptoir en deux parties avec la première le long duquel l’on peut apprécier quelques tapas ou une boisson. Puis une seconde en marbre avec de longues barres d’acier. Dans le fond, un coin probablement intentionnelle gardé défraichis afin de préserver l’authenticité de l’endroit.




Aujourd’hui, propriété de la brasserie « Moritz », la carte de restauration est disponible toute la journée. C’est le chef exécutif Jordi Vilà de « Alkimia » qui y propose une grande variété de plats et de tapas qui représentent le patrimoine gastronomique de la Catalogne, mais on peut bien entendu ne prendre qu’un verre. Découpeuse Berkel, huitres et bouteilles de bulles exposées.



Au premier niveau une salle qui semblerait être plus adaptée pour des fêtes organisées avec un petit bar, quelques banquettes et tables.




Bien évidemment de la bière Moritz qui ici coule à flot et du vermouth.



Une légendaire institution barcelonaise restaurée dans la gloire de la brasserie Moritz. Avec Jordi Vilà à la barre, son objectif est de faire revivre un format classique qui n’existe plus en ville : un café, un bar et un restaurant où aucun de ces concepts n’a préséance sur l’autre.