lundi 20 février 2017

Mano Rota, Barcelone



Il y a une propension à ce que les nouveaux établissements soit s’installent, soit se déplacent dans le quartier de Poble Sec où dès à présent nous pouvons trouver une série de tables d’un certain modernisme. Probablement que l’empire de Albert Adria y est pour quelque chose puisque dans quelques km 2 on trouvera Tickets, Pakta et autres Hoja Santa. C’est donc dans ces presque perpendiculaires rues de l’avenue Parallel que l’on pourra trouver un certain nombre de très jolies tables, souvent joliment décorées et qui proposent une cuisine nouvelle et influencée par cette mouvance de la gastronomie espagnole.  « Mano Rota » faisant partie de ce type de restaurants.

Une table qui se plait à se qualifier de « restaurant avec un bar », non pas un bar comme on l’entend mais une structure très intéressante avec un comptoir où se préparent et se dressent les assiettes et devant lequel l’on peut manger. L’on pourrait me rétorquer que le concept n’est pas nouveau mais ce qui peut apparaitre comme différent c’est le fait que l’on ait pas forcement l’impression de se trouver face à une cuisine mais plutôt chez des particuliers qui serviraient vos assiettes devant vous. Nous sommes ici chez Oswaldo Brito et Bernat Bermudo, qui eurent par le passé, travaillés dans l’école de cuisine de Hofmann.

La devanture de l’établissement est assez moderne avec ses structures métalliques noires et ses grandes baies vitrées dans un bâtiment du début du siècle. On pourra observer à travers les fenêtres une structure architecturale intérieure très bien pensée.


Un intérieur dans lequel la rénovation aura conservé les murs de briques d’antan, enrichi les pièces de conduits métalliques industriels un peu comme dans un loft, garni le plafond de lustres d’atelier et décoré les murs dans certaines parties avec des semblants de parois peintes blanches qui donnent au tout un air de récupération de couvertures murales existantes. Le reste utilise du bois clair pour tables, chaises et plateau de comptoir. Ce sont de très belles associations qui confèrent au lieu un charme certain.



A l’entrée un bar où l’on peut si on le souhaite démarrer sa soirée mais comme nous sommes invités immédiatement à passer à table, nous profiterons de suite de nous trouver à l’une de ces jolies tables de bois usé.


Au fond du restaurant, cette cuisine-bar devant laquelle il est aussi possible de se restaurer. Joliment structurée avec de confortables chaises jaune pâle, bien plus agréables que les sempiternelles chaises hautes que l’on trouve dans d’autres endroits. Derrière, une salle privative qui est aussi directement connectée à la cuisine.




La cuisine de « Mano Rota » intelligemment utilise des produits locaux, se réfère à la cuisine Catalane mais en y ajoutant un certain modernisme. On y trouvera surtout des influences fréquentes des cuisines asiatiques et sud-américaines vraiment très en vogue en ce moment. Jamais proche de ce que l’on appelle « fusion » mais plutôt de savantes associations d’ingrédients qui produisent de très belles assiettes innovantes. Cela sera donc ce soir un menu « découverte » composé de quelques snacks pour commencer suivi de plats plus conséquents et desserts. Plats tenus secrets et annoncés l’un après l’autre car imaginés au dernier moment par les cuisiniers en fonction des humeurs et surtout du marché.

Cela commencera par des tronçons de poireaux blanchis à la cendre recouverts de houmous. Une très bonne idée que d’associer ces deux ingrédients, c’est léger, frais et gouteux.  Sans oublier l’agréable présentation.


Excellente surprise avec le morceau de maquereau cru mariné dans le citrus (ponzu) recouvert de bonite séchée japonaise, le tout déposé sur un morceau de citron vert. On consommera cette bouchée comme un shot, on ingurgitera le tout en bouche en pressant le citron qui entourera le poisson. Un léger concept de ceviche complètement révisé et imaginatif qui me plaira beaucoup.


Bouchée suivante avec des beignets de maïs avec une mousse de fromage Idiaziabal du Pays Basque à base de lait de brebis "Latxa", fumé. Le tout pourrait faire aussi un peu penser aux classiques croquettes mais avec une référence sud-américaine.


Le pain et l’huile d’olive sont ici particulièrement délicieux, un pain au levain avec un excellent goût de feu de bois.


Nous poursuivons avec un délicieux « causa » de style péruvien. On l’appelle généralement « causa rellena » ou « causa a la limeña » (de Lima). « Rellena » signifie « farci » Et causa ? L’histoire nous dit que ce mets est né pendant la Guerre du Pacifique, en 1879, où le Chili a lutté contre le Pérou et la Bolivie. L’armée péruvienne avait tellement de mal à obtenir de la nourriture que les femmes collectaient des pommes de terre et d’autres aliments dans toutes les villes. Ainsi, elles ont créé ce repas qu’elles offraient aux soldats « pour la cause » (de défendre leur territoire). Voilà pourquoi « causa » ! Ici avec du poulet, de l’avocat et du piment jaune péruvien doux « amarillo. », très aromatique et goûteux.



De fabuleuses « zamburinas » au pisco, piment rocoto, beurre et sauce japonaise Yakiniku. Il s’agit de mollusque bivalve de la famille des pectinides, très similaire à la coquille Saint Jacques, bien que de taille inférieure. Elle vit aussi bien libre que sur la côte collée sur les rochers, à des profondeurs allant jusqu’à 80 m. Ces « zamburinas » sont originaires des Rías Galiciennes. La Sauce Yakiniku, est un mélange riche et unique de sauce soja, de miso, de mirin, de sésame et d'ail. Ce plat qui rappellera surement la cuisine nikkei est formidable.


Magnifiques gnocchis de courge au fromage bleu du pays basque, recouverts de brisures de noix, morceaux de courge et jaune d’œuf. Un autre très grand plat vraiment gourmand et sans rappel asiatiques, plutôt méditerranéen.


Pour suivre du cabillaud en tempura, aïoli et cendre de citronnelle. S’il faut vraiment reprocher quelque chose et c’est pour comparer avec les plats précédents, on trouvera un peu les bouchées huileuses. En fait il s’agit de joues de cabillaud appelée au Pays-Basque, « Kokotxas ».



Autre merveilleux plat avec le poulpe sur une sauce aux haricots blancs de Sant Pau et fromage Manchego. Encore de très belles associations un peu inattendues et cette fois-ci entièrement espagnoles.



En plat principal, de la presa de porc ibérique, accompagnée d’ananas grillé et avec une délicieuse réduction. Une viande fondante joliment accompagnée de cette touche sucrée mais aussi sentant le feu de bois.



Pour les desserts, tout d’abord un citron givré avec du gingembre, du gin qui est finalement très apprécié localement et de la menthe. C’est frais, pas trop sucré, parfait pour un premier dessert.


Puis un dessert plus pour les gourmands à base du touron catalan aux amandes, de toffee, de noisettes et de sel pour la touche piquante. Un dessert magnifiquement réalisé qui n’est absolument pas écœurant.


Et quelques mignardises pour finaliser ce splendide repas, comme des pâtes de fruits et autres bouchées au chocolat.




La carte des vins est très intéressante et nous commencerons par un Gran Caus 2004, Can Rafols dels Caus. Magnifique Penedes, qui a passé 18 mois en fût avec une couleur dorée. Une belle minéralité, des arômes de melon, de pèche et de fruits tropicaux.


Suivi d’un vin rouge, El Brindis 2014, un Montsant de Franck Massard. Vin surprenant non loin de Priorat, avec une très belle concentration de fruits rouges.


« Mano Rota » sera l’une des plus belles tables de ces derniers mois, tout fut absolument délicieux et inspiré. Des influences certes d’autres contrées mais toujours des références à la Catalogne et l’Espagne avec de très beaux produits. Un endroit qui plaira sans aucun doute à celles et ceux qui apprécient cette cuisine espagnole qui s’aventure en dehors des frontières et toujours avec une très grande maitrise. De plus l’endroit a plein de charme et l’ambiance y est formidable. Un magnifique repas qui me donnera définitivement l’envie de revenir.

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