jeudi 7 janvier 2016

Llama Inn, Brooklyn



Voici probablement une de mes « tables de 2015 » qui n’est pas encore vraiment médiatisée mais qui risque surement de l’être d’ici peu de temps. « Llama Inn » est un restaurant péruvien de New-York ou plus précisément Brooklyn ou même Williamsburg. Maintenant j’ai envie de dire que « péruvien » est un peu limitatif et si je dis « nikkei», cela fera trop penser au phénomène de mode actuel avec des tables comme « Pakta » de Barcelone. Pour être plus juste je devrais dire « d’inspiration péruvienne et créative ». Ouvert il y a très peu de temps à savoir au mois de Novembre, le chef n’est surement pas un inconnu car il s’agit de Erik Ramirez ancien sous-chef de « Eleven Madison Park », célèbre 3 étoiles où officie « notre chef Suisse, Daniel Humm ». Puis travailla chez « Nuela » en 2009 et qui se transforma en « Raymi » où il devint le chef exécutif. Un cuisinier qui voyagea également au Pérou, passant de cuisines en cuisines, rencontrant les célèbres Diego Muñoz de «Astrid y Gastón » et Virgilio Martinez de « Central », deux des tables parmi les plus médiatisées de 2015. De son voyage, il s’inspire de ce qu’il a vécu mais en pensant y ajouter une touche très personnelle.

Son établissement se situe dans une rue que je pourrais qualifier de plutôt particulière car ressemblant plus à ce que l’on verrait dans une série policière américaine la nuit que à quoi ce que l’on s’attend. Face à un pont un peu lugubre sur lequel se trouve une rue passante, en dessous du parking si vous êtes en voiture et vous voilà face à un coin de rue où se trouve le restaurant. 


Un bâtiment qui ressemblerait à un garage ou un entrepôt de briques complètement transformé avec de grandes fenêtres encadrées par des structures métalliques de métal noir.


Une entrée sur le côté et vous voici face à une porte en bois qui vraisemblablement est ancienne et peut-être provient du pays du chef.


Une fois à l’intérieur vous serez grandement surpris par la beauté du lieu avec ce côté ultra-moderne, un bar central, un plafond très haut, une structure un peu octogonale avec des tables tout autour du bar toujours le long des parois vitrées. Dans un coin de cette salle la cuisine ouverte où vous pourrez contempler l’équipe à l’œuvre. 





L’œuvre d’art qui se trouve dans une niche circulaire est particulièrement magnifique, une composition de fils de laine qui s’entremêle et de diverses couleurs. Laines réutilisées pour les grands lustres centraux au-dessus du bar.


Ce qui est vraiment très bien pensé sont ces diverses manières de pouvoir festoyer. Soit à des tables conventionnelles, soit sur des banquettes perpendiculaires aux fenêtres ou même encore face à celles-ci comme si vous vous trouviez face à un bar. Une architecture vraiment très bien pensée entre élégance et décontraction. Un design imaginé par la société de Joseph Foglia.


Je vous encourage de démarrer votre soirée au bar car les cocktails péruviens sont tout bonnement fabuleux. Une très belle série de « pisco », eau de vie de raisin que l’on déguster comme de simples alcools forts mais je vous recommande les cocktails. Par exemple le « Llama Del Rey » dont le nom se peut être une référence à la chanteuse… Un mélange de pisco de la marque Barsol appelé « mosto italia » car distillé avec des raisins italiens, du vin rouge, de la « chicha morada » une boisson non alcoolisée fabriquée à base de maïs violet, l'une des diverses variétés de maïs péruviens, de zacapa un rhum produit au Guatemala, de citron vert, d’ananas grillé et de poivre rose. Un mélange absolument raffiné et unique dans son genre.

Le « Flying Purple Pisco » avec du « macchu pisco quebranta », une touche de purée de pomme de terre pourpre, du blanc d’œuf battu, du citron et citron vert. Un autre fabuleux cocktail.


Et encore un autre cocktail avec le « Tia Julia », avec du « macchu pisco quebranta », du « cocchi americano » un vin apéritif produit par Giulio Cocchi Spumanti de la province d’Asti en Italie, du citron vert, de l’ananas grillé, de la muña qui est une tisane péruvienne et du vin pétillant. A nouveau impressionnant de justesse dans les saveurs et inédit.


Pour accompagnement, ces petites graines de maïs grillées bien plaisantes.


Allez observer quelques instants l’impressionnante équipe en cuisine qui travaille avec rigueur et sans perdre un seul instant. Vous pourrez voir le chef Ramirez avec sa casquette de joueur de baseball à l’envers sur sa tête.




La cuisine péruvienne a subi un certain nombre d’influences comme le Japon et la Chine. C’est pour cette raison qu’une majorité des plats proposés utiliseront certains ingrédients de ces deux pays. Nous connaissions déjà le terme « nikkei » pour décrire cette fusion Pérou-Japon mais j’apprends également que le terme « chifa » symbolise la fusion Pérou-Chine.

Sur les recommandations du serveur nous choisirons une suite de plats à partager. Nous démarrerons avec un Ceviche de « fluke » qui est un poisson plat type limande ou plie réalisé avec des bananes plantain, du dashi, ail doux, oignon rouge, citron vert et coriandre. Première observation, la vaisselle est magnifique et la présentation magnifique. La marinade est absolument magnifique car les saveurs parfaitement équilibrées entre acidité et le côté salé du dashi. Le poisson est d’une remarquable fraicheur et le jeu de texture parfait avec le croustillant des chips de banane, le moelleux du poisson fraichement mariné pour ne pas le « cuire », le croquant de l’oignon. Un ceviche vraiment formidable.


La Salade de quinoa, banane, avocat, bacon et noix de cajou est une autre merveille. Jamais je n’avais autant apprécié cette plante herbacée originaire des Andes. Il y a un exemplaire équilibre entre tous ces ingrédients avec à nouveau magnifique jeu de textures associant le moelleux, le croquant et le liquide de la sauce. N’étant originellement pas conquis par cette pseudo-céréale. Me voici presque médusé par un plat aussi savoureux.


Arrive une planche de bois avec des « anticuchos » qui sont en fait des petites brochettes le plus souvent réalisées avec du cœur de bœuf. 


Celle-ci aura mariné avec de l’ « aji panca » qui est un piment péruvien puis qui sont ensuite piqués sur une brochette, et grillées sur un grill « Robataya » ou « Robatayaki » qui est un appareil japonais similaire au barbecue que l’on connait. Etonnement ce cœur ressemble à de la viande de bœuf et en aucun cas n’aurait le goût d’un abat.  Délicieux, c’est accompagné d’une sauce rocoto, la plus célèbre au Pérou, dont les ingrédients sont les piments rocoto mélangés avec de l’huile, du jus de citron vert péruvien, parfois du lait, de la coriandre ou du persil.


Autre brochette de poitrine de porc char siu avec une mayonnaise épicée. La viande a été enrobée des 5 épices chinoises, de sauce soja, d’ail, de poivre noir comme pour les barbecues chinois. Un exemple d’un plat « chifa » qui s’est avéré à nouveau parfait.


Une Crevette à l’adobo, un met souvent servi dans la région de l’Arequipa, qui consiste en une marinade d’ail et citron vert, mais aussi souvent de paprika et d’origan. La crevette est parfaitement grillée conservant encore un côté moelleux à l’intérieur.


Et comme dernière brochette, du Poulet avec du soja fermenté et « aji verde », une sauce au piment vert péruvien et de coriandre fraiche. La volaille est encore légèrement juteuse, parfumée et agrémentée de cette délicieuse sauce subtilement pimentée.


Le plat qui nous aura totalement bluffé sera le Collier de chèvre, pommes de terre, navet, coriandre, « chicha de jora », quinoa rouge. A priori on pourrait être réticent à manger de la chèvre mais il faut se rappeler que c’est du « cabri » et très ressemblant à de l’agneau. La présentation est absolument magnifique, la viande fond en bouche, la sauce est divine car montée au « chicha de jora » qui est une boisson fermentée type bière réalisée avec du maïs.  Quelques petits légumes parfaitement cuits et ces galettes de quinoa croquantes qui ajoutent un côté croustillant à chaque bouchée. On ne peut s’empêcher de finir cette sauce avec cette touche de purée de coriandre. Un très grand plat !


Met suivant avec de l’omble de l’arctique, des pommes de terre des Andes, du cacao, des cacahouètes, et une sauce créole. Un peu semblable à l’omble chevalier, le poisson est cuit parfaitement, l’accompagnement étant une compotée a base des ingrédients susmentionnés relève la chaire fine de ce plat. Un poisson sublimement rehaussé par d’étonnantes saveurs.


Et pour terminer, à nouveau un plat tout à fait surprenant, une Salade de lentilles, champignons maitake et huitre, œuf poché et chou kale. Le chou a été sauté afin d’amener une touche croustillante en bouche. Au-dessous, la salade de lentilles accompagnées des champignons magnifiquement assaisonnés et un œuf coulant. Des saveurs distinctes et gourmandes avec toujours ces impressionnants jeux de textures.


Comment ne pas considérer un dessert suite à une telle découverte culinaire ! Un sacré challenge que de proposer un dessert nommé Chocolat, café et lucuma, un fruit tropical. Les desserts chocolatés peuvent souvent être quelconque mais ici grâce à un probable tour de magie, on tombe à nouveau dans le sublime. Ce dessert est réalisé avec du chocolat péruvien, transformé en une crème glacée pas trop sucrée, un biscuit au café et le lucuma émietté sur le dessus. Probablement l’un des meilleurs desserts chocolatés cette année.


Avec ce repas nous avons préféré choisir des boissons non conventionnelles. Avec un fabuleux cidre 1911 Cider 7 de la maison Beak & Skiff  et une bière de Williamsburg, la Brooklyn Greenmarket Wheat.


On ressortira enchanté de cette expérience en pensant que ce fut l’un des cinq meilleurs repas de cette année. Une cuisine péruvienne sublimée, un chef qui sans aucun doute va devenir une référence dans la matière, un établissement tout bonnement magnifique.

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