mercredi 1 juillet 2015

Suculent, Barcelone



Le quartier de El Raval semble un peu se gentrifier selon une expression à la mode. Pendant longtemps ce fût l'un des lieux les plus malfamés de la capitale catalane, mais aujourd’hui devient tellement tendance que les Barcelonais ont même inventé un verbe pour dire se promener dans El Rava « ravalejar ». Certaines rues peuvent sembler être glauques et d’autres ont été squattées par de nouveaux établissements tels que des bars ou restaurant qui deviennent les lieux où il faut se montrer.

Ne soyez donc pas étonné que même des chefs réputés ayant d’autres établissements dans la ville ouvrent un établissement dans ce quartier. Un de ces chefs réputés Carles Abellan  resté quinze ans chez El Bulli  y a ouvert un établissement appelé « Suculent ». Ce chef catalan a un peu révolutionné la scène des tables proposant des tapas en y apportant une certaine  dose de créativité. Sa table la plus réputée étant Commerç24 déjà ouverte il y a quatorze années et qui s’est retrouvée étoilée au Michelin. C’est aussi lui qui ouvra en 2007 l’excellent Tapaç24 dans le Paseo de Gracia où j’ai eu l’opportunité de manger deux fois il y a quelques mois  et probablement parmi les meilleurs tapas créatifs de la ville. 

Et cela ne s’est pas arrêté là en raison du succès grandissant de ces établissements, des ouvertures d’autres établissements comme « Bravo » et justement « Suculent » sans compter un autre « Tapaç24 » à Montréal. Il faut de suite préciser qu’il ne s’agit en aucun cas d’une chaine de restaurant mais d’un concept répliqué pour chaque établissement. En réalité plutôt un business model car chaque lieu a son style et propose des cuisines un peu différentes. Ce que l’on retrouvera de commun sera plutôt la rigueur que l’on trouve dans les assiettes, des ingrédients choisis, des produits de qualité, la créativité des mets, un service de qualité et des décors toujours très agréables.

« Suculent » se trouve en plein centre d’El Raval, sur la Rambla qui est un poumon d’oxygène au cœur du quartier. Une large avenue où l'on peut rencontrer des gens de provenances sociales, culturelles et géographiques bien diverses. C'est aussi une des rues préférées des jeunes locaux ou étrangers qui voient changer le quartier jour après jour. D’ailleurs on observera qu’à chaque nouvelle visite, de nouveaux bars ou tables viennent s’ajouter tout autour de la Rambla.


Il existe en réalité deux parties pour « Suculent », la taverne et le restaurant lui-même. La taverne étant plus un lieu pour prendre un apéritif tel qu’un vermouth avec quelques bouchées dans une atmosphère informelle.  Le restaurant attenant lui n’est pas réellement un restaurant mais plutôt ce que je qualifierais de gastrobar. On y accède par la jolie devanture boisée qui donne dans le bas de la Rambla à quelques mètres de la taverne.


Comme d’habitude chez Abellan, le décor est soigné et ce n’est pas un bar en plus… Un très beau comptoir devant lequel l’on peut se restaurer éclairé par des lampes industrielles et derrière une structure boisée où se trouvent bouteilles et verres.



Les tables face au bar plutôt élevées sont dans un vieux  bois de récupération conférant à l’endroit un côté un peu rustique et traditionnel mais avec une touche contemporaine très tendance. Dans un coin des catelles représentant une ancienne marque de bière donnent une touche un peu rétro à cette salle en longueur dans les tons verts. Il y a presque quelque chose d’un peu d’un pub britannique probablement lié à cette couleur.




On mange donc soit au bar ou alors à l’une de ces tables. L’endroit n’est pas non plus très grand et une réservation est obligatoire.

La carte n’est pas énorme mais est complétée par les assiettes du jour inscrites sur une ardoise à droite du comptoir. Des mets dont les intitulés sont tous plus attirants les uns que les autres, quelque chose de constant dans les établissements de ce chef. En faisant notre sélection quelques délicieuses olives nous seront amenées.


Une tradition que de commencer avec le classique Pain de Cristal aux tomates. On vous servira un peu partout cet accompagnement mais très rares sont les endroits où le pain est de qualité. Il faut impérativement que cela soit ce fameux pain très aéré comme ici recouvert d’une excellente huile d’olive vierge.


Les Croquettes à la queue de bœuf et trompettes de la mort sont un modèle du genre et illustre le côté créatif du chef avec l’adjonction de champignons amenant un côté plus goûteux aux croquettes. 


Une autre assiette qui nous impressionnera, l’« Ajoblanco » avec des sardines fumées et œufs de truite. L’« Ajoblanco » est à la base une une soupe froide à base d’amande, de mie de pain, d’ail et d’huile d’olive, typique de l'Andalousie et de l'Estrémadure. Ici utilisée plus comme une sauce sur laquelle on retrouvera une manière de préparer des sardines qui m’était inconnue à savoir crues mais surtout fumées avec quelques œufs de poisson sur le dessus. Des saveurs très prononcées comme l’ail, l’amande et le fumé en font une magnifique assiette.


Nous serons également impressionnées par les Huitres grillées à la joue de jambon ibérique. Les huitres sont tièdes et cuites à moitié afin de conserver un peu de mollesse, ont une saveur légère de fumé et recouvertes d’une onctueuse sauce à base de pistaches avec quelques copeaux de ce jambon. Un traitement de l’huitre très intéressant et gourmand. 


Le plat suivant peut sembler étrange mais cela restera probablement celui qui nous aura le plus impressionné, les Calamars au foie gras. Une incroyable association de saveurs terre-mer qui s’avéra d’être une parfaite justesse en bouche.


Et pour terminer un plat probablement plus traditionnel mais excellent, le Poulpe grillé au pois chiche et boudin noir. Tendre et tranché, le poulpe se retrouve sur le dessus d’une potée de pois chiches dans lesquels est incorporé le boudin plus comme un assaisonnement que des morceaux entiers ainsi que de l’oignon caramélisé.


Impossible de ne pas tester un dessert suite à la justesse d’un tel repas et cela sera un riz au lait de coco, mangue, citron vert et piment. Le genre de dessert pour lequel on risque de se réveiller la nuit et se diriger vers le frigo… Un riz cuit à la perfection, crémeux, pas trop sucré et ces mangues parfumées rehaussées par le côté parfumé du citron et la touche pimentée.


Pour accompagner ce repas, un Priorat Gotes 2013 qui s’est avéré être magnifique avec une couleur rouge cerise, des arômes de fruits murs et presqu’un côté toasté.

A nouveau une table de Carles Abellan qui fait mouche avec d’excellentes assiettes, un décor très agréable et contemporain, une ambiance informelle, un peu plus de confort et de service que par exemple chez Tapaç24. Probablement l’une des plus belles tables de El Raval.

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