dimanche 20 avril 2014

Compartir, Cadaqués



C’est depuis l’ouverture du restaurant il y a deux ans que je souhaitais visiter Cadaqués et de diner chez « Compartir ». Cadaqués réputée pour Dali et Picasso, à l’époque un petit port de pêche mais qui évidement est devenu un sacrée attraction touristique surtout en période de fêtes pascales.

« Compartir » pour simplifier….ce sont « d'anciens El Bulli » mais il ne faut surtout pas s’imaginer que vous allez manger chez un Ferran Adria de seconde catégorie en encore moins penser qu’il s’agit d’un endroit luxueux.  A la limite…oubliez « El Bulli » même si surement cela attire une certaine clientèle qui peut-être espère remanger la cuisine du maitre.

C’est donc dans une rue en retrait du bord de mer que se trouve « Compartir » qui signifie partager. Partager un bon moment, partager quelques plats… Evidement il faut réserver car l’endroit a un énorme succès mais la question subsistait...lequel ?

A vrais dire je ne suis jamais emballé par les « anciens de chez…. », car c’est la plupart du temps très décevant. Je me rappelle il y a un grand nombre d’années où l’on se murmurait de bouche à oreille dans la région ou j’habite… « ancien Girardet… », une vaste plaisanterie.

Une fois arrivés devant l’entrée dans un haut mur blanc, la cour intérieure est des plus accueillantes. 


Une cour pavées, des murs de pierres, des parasols de très grande taille et quelques chaufferettes murales car il fait encore un peu frais à partir de dix heures du soir. L’ambiance qui émane de cette cour intérieure est plutôt très sympathique, on perçoit un côté plutôt festif en observant les tables déjà occupées. Bougies sur les tables, lumières douces, c’est un lieu très bien agencé et fort agréable.




Une fois à l’intérieur, c’est un ensemble de petites salles ; certaines probablement dédiées à de grandes tablées et une autre plutôt en longueur et voutée. Décoration simple ; lampes en rotin, table de bois, banquette. Le minimum, mais c’est plutôt réussi. Sur les tables de simples passants blancs dans une sorte de papier avec les serviettes dans le même matériau. Il faut tout de suite comprendre qu’ici c’est une ambiance bistrot et ne pas s’attendre comme je l’ai déjà précisé à du grand luxe, mais la formule marche !




La carte est vraiment à première lecture plutôt déroutante car il y a ici deux façons de manger… la première que je pourrais qualifier de catalane avec certains plats que l’on peut trouver un peu partout ailleurs mais surement réalisés avec des produits de choix, des préparations maitrisées et la seconde qui est beaucoup plus créative avec des plats aussi basés sur des ingrédients locaux mais transformés et qui probablement s’inspirent du passé du chef. Alors pourquoi deux types de cuisine ? Eh bien il faut remplir le restaurant ce qui n’est pas toujours évident en période creuse ; il faut contenter toute sorte de clientèles ; ceux qui « savent qu’ils peuvent manger des créations », ceux « qui souhaitent manger un bon riz de fruits de mer ».

Quelques brèves discussions avec notre serveur et nous apprenons que les entrées peuvent se prendre en demi-rations. Une vraie aubaine si l’on veut déguster un peu de tout…

Avant de choisir nos plats, un apéritif offert avec un « shot » Campari, orange et vermout avec du blé soufflé au lard dans deux petits cornets sur une planche de bois. Une sympathique entrée en matière.



Je repère sur la carte des vins ce que l’on appelle un « vin amusant » avec un Mustillant Blanc Gramona, bio. Il s’agit d’un vin très frais et légèrement pétillant, très différent du « Cava » qui tire a environ 10.5 degrés, parfait pour être consommé en entrée ou comme apéritif.


Notre repas sera donc composé principalement de plats innovants avec comme seul « écart », le pain à la tomate qui s’est avéré être parfait car le pain lui-même est au levain et l’huile de premier choix.


Et cela commence avec l’un des plats les plus surprenants de la soirée, la salade de betterave et de fruits avec un sorbet Ajoblanco. Sur une assiette des fraises légèrement vinaigrées, des tronçons d’ananas recouverts d’une espuma de betterave, quelques fines tranches de la même racine et au centre une fantastique et onctueuse glace à base d’amandes, pain, huile d’olive et ail. On ne sait plus s’il s’agit d’une entrée ou d’un dessert…quelque chose au milieu. Toujours est-il que les saveurs explosent en bouche et que l’on se rappellera longtemps de cette assiette. Selon notre serveur, il s’agirait d’un ancien plat ou d’une interprétation de chez « el Bulli ».


Alors que nous avions commandé, je m’étais aperçu qu’il y avait une série de préparation d’huitres plutôt très originales. J’appelle mon serveur et lui demande quelle est l’origine de celles-ci. Quelques balbutiements…retour en cuisine et j’apprends qu’il s’agit de Gillardeau ! Une préparation pour une telle huitre à cinq euros pièces…il faudrait être bête de résister…

Je n’ai pas pu déguster l’huitre à la pomme, navet et cidre qui selon le convive était un délice. Présentée sur des algues avec sur le côté un petit verre de cidre à boire juste quelques secondes après…


Et encore plus étonnant  selon moi, l’huitre au jus de lièvre ! Je ne pense pas avoir mangé une huitre aussi originale dans le passé sauf peut-être chez Martin Berasategui; présentée avec une fraise, cette sauce absolument divine, un peu de cacao sur l’huitre tiède. Une bouchée mémorable à tout jamais !


A la base l’idée du cannelloni de thon rouge avec des saveurs méditerranéennes est bonne mais il y a beaucoup trop de saveurs fortes sur cette assiette avec de la tapenade, des câpres, du pesto, des billes d’huile d’olive. Le thon est enroulé autour de tomates concassées mais l’ensemble du plat nécessite un peu de raffinement.


D’excellents anchois aux cèpes, miel de pin et truffe. Sur une assiette, les anchois frais entourés de ce mélange bien équilibré entre miel, huile de truffe avec des brisures, des pignons, des cèpes poêlés et quelques fines lamelles de pain toastées. Il y a un équilibre parfait entre les saveurs douces et le côté marin du poisson.


Retour vers le prodigieux avec les sardines marinées au Jang, horchata, truffe tomate et basilic. Le Jang est une sorte de sauce soja, l’horchata est une boisson sucrée élaborée à partir des tubercules de souchet (chufa), une sorte de lait végétal. Ces sardines sont magnifiquement intégrées au milieu de composantes méditerranéennes qui rendent ce plat à nouveau très intéressant par ce subtil mélange de sucré-salé.


En met principal, un filet de porc ibérique au lard Josélito et couscous marocain.  Il faut savoir que le jambon Joselito Pata Negra est considéré depuis  de nombreuses années comme le meilleur jambon ibérique du monde, ce qui probablement signifie que le filet doit être d’une certaine qualité ! Effectivement celui-ci fond en bouche, juste rosé et recouvert d’une fine sauce avec comme accompagnement une petite coupelle de semoule bien épicée avec quelques fruits sur le dessus. C’est délicieux même si plus classique que ce qui est arrivé sur la table au préalable.



Le plat qui suit d’une certaine simplicité est un monument dans son genre. Des côtelettes de lapin et artichauts panées à l’aïoli de pomme. Tout d’abord je ne savais pas que des côtelettes pouvaient être proposées et la manière préparée m’a vraiment étonnée. Pannées et passée dans la friture quelques instants, accompagnées d’une mousse à la pomme ! Un moment gustatif vraiment exceptionnel et inattendu !




Un peu moins enthousiaste avec le dessert trop classique à mon goût, de boules chocolatées avec un sorbet cassis. 


Avec ce repas un excellent Negre dels Aspres 2010, Vinyes dels Aspres, un vin intense, puissant et savoureux qui exprime le caractère du terroir de l’Empordà. Un vin d’arômes charnus et épicé.


Voici une bien belle et nouvelle adresse fondée par Mateu Casañas, Oriol Castro et Eduard Xatruch, les trois ex-El Bulli qui étaient un peu considérés comme les « bras droits » de cette « star »… Il semblerait qu’ils partagent leur temps entre leur établissement et le futur « El Bulli foundation ». Ils allouent donc leur heures de travail  entre les « deux environnements ». Hier nous avons eu droit à Eduard Xatruch et nous avons admirablement mangé pour 75 euros par personne avec évidement un choix de plats plus important que la normale et deux bouteilles de vin. Un endroit vraiment convivial où l’on peut encore rêver quelques instants…N’est-ce pas le plus important ?

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