lundi 2 avril 2018

Bicnic, Barcelone


Voici probablement l’une des plus belles tables depuis longtemps ou du moins celle qui m’a fait le plus d’impression dans la gamme des nouvelles tables Barcelonaises, cette dernière ouverte en octobre 2017. Même propriétaires que la porte d’à côté avec le « Betlem » qui est plus une vermuteria, un bar à tapas ou encore une taverne. Ici il s’agit d’une offre gastronomique dans un espace assez « mode » et branché. Le nom serait l’association du B de « Betlem » et du mot pic-nic. Un pic-nic urbain comme il se plait à dire, mais la prestation n’est vraiment pas celle d’un repas sur l’herbe mais celle d’un tout autre niveau.


A l’origine un food-truck qui se transforma en un restaurant avec deux sections : FAST et SLOW. Dans la première, des plats plus simples et rapides à déguster comme salades et sandwichs. Dans la seconde, comme l’on peut se l’imaginer, une cuisine plus élaborée dans un environnement plus adapté pour un vrais repas et une soirée. En cuisine le chef Victor Ferrer qui monta ce concept avec un studio de design appelé Toormix.


On entre dans ce concept en passant tout d’abord par la partie magasin, ensuite celle appelée FAST ; un long bar avec des tabourets et une vue sur la cuisine. Cuisine du jour que l’on comme donc plutôt probablement pour le déjeuner. Egalement une possibilité d’emporter ses plats. Et pour compléter, la table du chef dans la cuisine sur réservation.






Ensuite l’on arrive dans la partie SLOW qui est supposé rappeler la campagne avec ces tables de bois, ces murs de couleur verte et ces structures boisées censées rappeler des branches d’arbres. Un espace assez aéré pour se sentir comme à l’extérieur, un haut plafond, de grandes baies vitrées qui donnent sur la rue, un endroit tout de même assez chic.




Un côté également aussi ludique avec la projection continue sur un écran circulaire d’extraits de films où des acteurs célèbres sont en train de manger. Projection qui a lieu au dessus d’une grande table pour groupes.



Tables en bois, dressage épuré, vaisselle très choisie, dans le ton actuel, à savoir souvent de la poterie.


Une carte qui se base sur des produits de marché et de saison. A première vue ou plutôt lecture, on pourrait s’imaginer trouver une cuisine un peu fusion et inspirée comme dans beaucoup d’endroits par l’Asie et l’Amérique Latine. Je dois admettre que très souvent ce type de cuisine n’est pas vraiment bien pensée car les ingrédients sont mal intégrés, mal associés, trop présents en bouche et finalement lassants. C’est définitivement la première fois que je découvre une cuisine inspirée et d’une très grande délicatesse, qui a su doser ces ajouts d’ingrédients d’autres continents de manière absolument précise sans jamais tomber dans des plats à pseudo-saveur exotiques. Il y a un savoir faire vraiment exceptionnel et l’on pourra même affirmer une touche un peu française dans cette cuisine. Ceci peut peut-être s’expliquer par le fait que le chef Victor Ferrer passa par l’école hôtelière d’Avignon et surtout travailla au Plaza Athénée de Alain Ducasse.

Nous commencerons par le magnifique « Super Ravioli » dans un bouillon de shiitake. Avec l’apparence d’un gyoza, il est farci avec du jarret de veau cuit dans un vin rouge, recouvert ensuit de cet exceptionnel bouillon parfumé au champignon. On trouvera également du tapioca dans le fond de l’assiette. Le bouillon est ensuite versé directement à table. A noter qu’il s’agit de deux raviolis mais que cela n’a pas posé de problème que de servir deux bols. Un goût vraiment subtil et une belle présentation. On voyage entre France pour le côté daube de la farce et un légèrement Asie pour le côté puissant du bouillon mais qui pourrait tromper car c’est assez les senteurs d’un bouillon réalisé avec de la viande.



Prodigieuse nouvelle assiette que le tartare de boeuf et d’anguille sur un os à moelle. L’anguille est fumée, incorporée au bœuf coupé à la main, le tout déposé sur cet os cuit au four. L’idée consiste à mélanger le tout en bouche en utilisant une cuiller et d’accompagner de pain grillé. Jeu de textures et de saveurs dans qu’une remporte sur l’autre, le moelleux de la moelle amène de la suavité en bouche.




Nous poursuivons avec les fondantes joues de veau, braisées à la perfection, accompagnées par une fricassée de champignons et d’un fond de sauce aux bolets. Cuisson longue, fond de sauce parfait, champignons sautés pour un peu de fraicheur et crème de topinambours en dessous. Ici aussi un peu d’influence française et une parfaite maitrise des cuissons.


Un plat vraiment magnifique avec la raie qui est cuite sur le grill avec son arrête, accompagnée d’un aïoli à l’ail noir et d’un délicieux bouillon de poissons de roche, type « suquet ». Ce qui me surprend à nouveau c’est cet équilibre des saveurs en bouche qui les yeux fermés ne laisseraient pas supposer que les saveurs sont locales mais réellement gastronomiques avec une sauce aérienne.


Les desserts ne sont pas d’un niveau inférieur car le lingot de chocolat noir avec une crème aux épices et d’une huile elle aussi épicée au Mole est une totale réussite pour un dessert au chocolat. Pas trop de sucré, pas écoeurant, léger, une crème parfumée à la cardamome avec des pignons rôtis et cette concentration inspirée des sauces "mole" mexicaines mais réduite en huile ou petite compote. Un dessert de table étoilée.


Plus ménager, l’excellent crumble aux pommes à base d’avoine, de pomes rôties à la réglisse, crème à la rhubarbe et glace au sureau. Belle association entre fine acidité, le délicat floral et le côté croustillant.


Belle découverte que ce vin rouge appelé Faust 1.2, un Pénedes de la Celler Finca Parera, bio, douze mois de barique française, une belle attaque et longueur en bouche.


Le service fût enthousiaste, informel et amical. Tout fût parfaitement orchestré dans cette succession d’assiettes.

Comme on peut le comprendre, il ne s’agit pas d’une cuisine de pic-nic mais d’une série de plats très pensés avec des jeux de couleurs, de textures et d’arômes. Une cuisine que l’on peut qualifier d’internationale mais toujours avec un fil conducteur, un savoir faire comme dans peu d’endroits à Barcelone, beaucoup d’originalité mais aussi beaucoup de maitrise. Un voyage de saveurs, une approche culinaire très inspirée, gourmande, dans un lieu moderne et très agréable, un vrai coup de cœur.

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